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Penser l’acceptabilité sociale pour communiquer efficacement sur son projet d’innovation (1)

Date de publication : 13 décembre 2021 Auteur : Julie Jammes

Ces dernières années, nous ne pouvons que constater l’émergence de contestations sociales relatives à des grands projets à fort impact socio-environnemental. En effet, au sein de la littérature scientifique le lien entre le secteur du tourisme et l’environnement font échos à trois champs principaux : l’étude de l’impact environnemental du tourisme, la perception des communautés d’accueil de l’impact du tourisme sur leur style de vie, et In fine, celle des mouvements collectifs portant sur le développement touristique. Autrement dit, les grands projets relatifs au secteur du tourisme font naître des mobilisations de nature très diverses, pouvant être en faveur ou en défaveur de leur mise en œuvre.

Toutefois, malgré le fait que ces contestations révèlent de fortes portées tant économiques que sociales, force est de constater que les acteurs, publics et privés, trouvent difficilement des réponses adaptées, s’avérant parfois même inappropriées.

De ce fait, l’acceptabilité sociale est un concept au cœur des discours ornant par là-même de multiples argumentaires portés par divers acteurs. Depuis les années 2000, l’étude et le renouveau de cette thématique n’est plus uniquement le fait d’initiatives et de revendications de la société civile, mais elle est de plus en plus portée par certains agents de l’écosystème impliqués par ces problématiques. En effet, en faisant trait au principe de subsidiarité, ce sont les concepteurs ou les promoteurs des innovations qui sont amenés à réfléchir sur la manière de maximiser l’acceptabilité sociale notamment par le biais d’effets de langage qui doivent pouvoir traduire l’intention, la portée et le but du nouveau produit, service ou de la nouvelle expérience offerte. Par exemple, il est indispensable d’organiser, dans la phase expérimentale de l’innovation, de vifs échanges entre les acteurs du tourisme, les élus, les responsables locaux, les habitants, les touristes, etc. pour confronter et faire arbitrer le concept afin d’affiner, d’anticiper et surtout de mieux comprendre les attentes et les besoins émergents.

Toutefois, l’acceptabilité sociale est un terme qui résonne différemment en fonction des intérêts et enjeux qui incombent aux parties prenantes, plus ou moins, concernées directement par la mise en œuvre d’un projet. Ces points de divergences viennent éclaircir le fait que des travaux de recherche universitaire fassent coexister des acceptions plurielles, rendant ainsi les théories floues et donc moins applicables sur le terrain. Néanmoins, certains auteurs s’accordent pour dire que l’acceptabilité sociale est un processus de jugement collectif, permettant ainsi à tout un chacun de discriminer les nouvelles décisions ou les nouveaux projets portés par le territoire et ses acteurs.

Face à ces constats, certains opérateurs ou acteurs territoriaux peuvent se demander comment communiquer efficacement sur un projet nouveau, à la fois pour limiter les revendications sociales, mais aussi et surtout pour rechercher une certaine approbation et un soutien de la part des acteurs de l’écosystème touristique. En d’autres termes, la communication est appréhendée comme un jalon intrinsèquement régit par des valeurs et des ambitions relationnelles, et elle doit se mettre au service du projet dans son ensemble afin de garantir sa pérennité.

En tant que concepteur ou promoteur de projets, qui ne s’est jamais posé la question du « comment » vais-je faire pour faire accepter, par le biais de techniques de communication, mon innovation auprès du grand public ? Vaste sujet de recherche, pour lequel OTL a pour ambition de se positionner dans ce type de réflexion stratégique pour explorer le champ des sciences comportementales et d’autres voies.

L’acceptabilité sociale : une dynamique sociale, participative et communautaire

Gendron (2014) définit l’acceptabilité sociale comme un «  assentiment de la population à un projet ou à une décision résultant du jugement collectif que ce projet ou cette décision soit supérieur aux alternatives connues, incluant le statu quo ». Autrement dit, cela renvoie à la notion « d’avantage relatif », notamment explicitée dans la théorie de la diffusion des innovations de Rogers.  Le postulat formule que l’innovation doit être perçue comme meilleure que l’idée qu’elle remplace. De ce fait, l’innovation doit tirer profit de la ou les avantages relatifs qu’elle apporte.

Cependant, ce n’est pas tant l’agrégat de ces avantages relatifs qui est prééminent ou déterminant, c’est d’autant plus la perception de ces avantages qui est en capacité d’influencer l’adoption à plus large échelle de l’innovation.

De là, se pose la question du « comment peut-on améliorer la perception des acteurs sur l’innovation ? ». Justement, une voie d’entrée pourrait être la communication qui permet, par un jeu d’un ensemble de techniques, d’immerger le lecteur dans la genèse du projet tout en lui apportant des éléments de contexte, des détails justifiés et  inscrire positivement en mémoire la portée et le but du projet innovant. Toutefois, l’objet n’est pas et ne doit pas être d’inventer de fausses nouvelles, au contraire le mode d’expression doit pouvoir traduire une réalité, base sur laquelle chacun pourra être en mesure de se construire intérieurement, plus ou moins consciemment, une histoire qui lui correspond.

La communication ou comment surmonter le phénomène de résistance aux projets innovants

Les projets d’innovation éveillent particulièrement les affects (sentiments, émotions, humeurs) et l’irrationalité, car la perception du risque et de la complexité est particulièrement prégnante tant elle dépeint un univers inconnu et abstrait avec un manque de référentiel certain pour la société civile. Les projets d’innovation traduisent, par eux-mêmes, le changement, la transformation, ou encore l’évolution, soulignant alors une force motrice dynamique qui demande nécessairement de fournir un effort (temps, prix, assimilations de connaissance nouvelles, etc.).

Toutefois, changer les habitudes, notamment lorsqu’elles sont fortement ancrées, car routinières, est difficile pour tous. « Le changement fait peur » disons-nous, et cela est une source d’incertitude de tout ordre, pouvant ainsi entraîner une résistance aux projets d’innovation.

Le phénomène de résistance est un processus conscient, où l’individu perçoit un risque, qu’il soit avéré ou non, le conduisant de ce fait à rechercher l’annulation de son effet.

Afin de surmonter cette résistance, la communication a un rôle clé à jouer. En effet, l’acceptation d’un projet innovant repose souvent sur la mesure dans laquelle la communication peut agir pour réduire l’incertitude en améliorant des facteurs tels que le risque et la complexité. Par conséquent, la communication est en capacité d’intervenir sur l’assimilation d’une nouvelle pratique particulièrement en la rendant plus désirable et facile d’appréhension et par voie de conséquence : acceptable.

La force du storytelling pour raconter et mettre en scène l’histoire de son projet innovant

Le storytelling, bien que largement abordé par les opérateurs touristiques (DMO par exemple), est loin d’être désuet. Il traduit un mode communication par le récit où priment le concret, la symbolique et l’imaginaire.

Raconter des histoires permet de persuader par le transport narratif, ce qui renvoie à une « immersion dans le texte », c’est-à-dire la mesure dans laquelle les individus se « perdent » dans une histoire (Escalas, 2004). Le dessein du transport narratif est pluriel :

1- Réduire les réponses cognitives négatives des lecteurs

2- Tirer parti du réalisme de l’expérience

3- Générer des réponses affectives fortes.

De ce fait, la qualité de l’histoire racontée permet de détourner habilement l’attention des pensées critiques tout en générant un affect positif, ce qui se traduit par des attitudes et des comportements nettement plus favorables envers la marque qui porte le projet innovant.

En bref, l’innovation, par elle-même, sous-tend nombre de questionnements et d’enjeux sociaux qu’il devient nécessaire d’éclaircir afin d’accompagner pour le mieux les acteurs du tourisme. Dans ce paradigme, la communication, et ses différents rôles, peut servir de voie d’entrée pour affirmer et étendre une position plus légitime de son innovation sur le marché.

Afin de mieux cerner ces enjeux et de se les approprier, OTL a accueilli une doctorante dans sa structure qui mène actuellement une recherche sur cette thématique. Restez connecté le prochain billet de cette série abordera les principales barrières de l’innovation tout en exposant de manière pratique les solutions pour les surmonter.

Le sujet vous intéresse et vous voulez en savoir plus ?

Nous vous conseillons de lire le billet de la Chaire internationale Cit.Us sur les usages et les pratiques de la ville intelligente pour comprendre plus en profondeur ce qu’est l’acceptabilité sociale : https://chairecitus.com/acceptabilite-sociale-legitimite-innovation-urbaine/titre-clara/

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