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Penser l’acceptabilité sociale pour communiquer efficacement sur son projet d’innovation : pallier la résistance des usagers (2)

Date de publication : 16 février 2022 Auteur : Julie Jammes

Vue du côté de la Recherche par Julie Sanchez, Doctorante en Sciences de gestion

La résistance des consommateurs face aux innovations

L’industrie touristique se révèle être très attractive grâce aux nombreux progrès tant scientifiques que technologiques. Marqué par une réduction des risques, une grande variété de produits et de services, une efficacité sociale et physique des touristes ou encore une amélioration de la mobilité vers et au sein des destinations, le secteur peut compter sur des innovations qui jettent les bases d’expériences touristiques réinventées. 

Différentes recherches témoignent du fait que les innovations ayant un impact sur le tourisme sont essentiellement produites en dehors du secteur par des entrepreneurs qui perçoivent des opportunités d’innover. De ce fait, la culture d’innovation et la capacité d’absorption restent encore limitées. Cela justifie qu’au sein des productions scientifiques, plusieurs auteurs conduisent des analyses sectorielles afin de rendre compte des spécificités du secteur touristique jusqu’alors sous-exploré. 

Récemment, un examen d’études génériques a mis en lumière qu’environ 40% des innovations échouent, l’une des causes principales étant le phénomène de résistance des clients. Considérer comme un acte de rejet, permanent ou temporaire, la résistance est le résultat d’une évaluation négative d’une innovation, et représente l’un des plus grands risques pour les entrepreneurs. En effet, malgré le fait que nombre d’entrepreneurs expérimentent de nouvelles idées toujours plus en phase avec les exigences et les besoins actuels, force est de reconnaître qu’ils se heurtent, bien souvent, à la résistance de clients sceptiques ou déjà satisfaits de leur statu quo.  

Il devient ainsi primordial de mieux comprendre, d’anticiper et de répondre aux risques que les clients perçoivent et qui, de plus, les influencent dans leur prise de décision. Une meilleure compréhension des raisons de ces évaluations négatives permettrait aux acteurs du tourisme d’affiner leurs stratégies afin de mieux gérer, voire de réduire, la résistance des clients à l’adoption d’une innovation. 

Comprendre l’acte de résistance face aux innovations

L’innovation, pour être caractérisée, se doit d’être perçue comme étant différente des alternatives existantes, et ce, d’une manière significative pour les consommateurs (Sethi, Smith et Park, 2001). De ce fait, elle doit offrir soit un avantage fonctionnel, c’est-à-dire un côté utilitaire, soit un avantage hédonique visant à générer des expériences rythmées par des émotions positives telles que la joie ou le plaisir. 

Toutefois, l’innovation et l’acte d’innover sont loin d’aller de soi. Ce processus créatif engendre un degré élevé de changement dans le quotidien des consommateurs perturbant ainsi leurs routines déjà établies. De même, une innovation peut très bien entrer en conflit avec la structure des croyances antérieures des usagers. S’il n’existe pas de point de référence sur lequel l’usager peut s’appuyer afin d’évaluer l’innovation, alors il est impossible d’établir un point de comparaison. De ce fait, peuvent émerger des sources d’incertitude dans l’esprit des adoptants potentiels qui peuvent percevoir un produit ou un service substantiellement nouveau comme un risque, voire une menace potentielle. Par évidence, cette posture défensive affecte le calendrier de l’adoption de l’innovation

Dans le domaine scientifique, deux sources de résistance ont été identifiées : 

1. L’association des innovations à des risques particuliers ;

2. Le manque de compréhension de la part des clients sur la proposition de valeur de l’innovation. 

Partant de ce constat, le phénomène de résistance est avant tout un acte conscient, c’est parce que le client perçoit ou ressent un inconfort que ce dernier recherche à annuler son effet. 

Les barrières à l’adoption des innovations

Les clients sont confrontés à diverses barrières qui paralysent leur volonté d’adopter des innovations. Ces barrières peuvent être regroupées en deux catégories : fonctionnelles et psychologiques.

Les barrières fonctionnelles concernent trois domaines : 

1. L’utilisation du produit : une innovation peut ne pas être compatible avec les pratiques ou les habitudes déjà ancrées chez les consommateurs. 

2. La valeur du produit : lorsque le ratio prix/valeur d’une innovation est jugée insuffisant par rapport à d’autres produits de substitution, alors il n’y a aucune incitation pour les clients à changer ses habitudes.

3. Les risques associés à l’utilisation du produit : conscients de certains risques, les clients ont tendance à reporter l’adoption d’une innovation jusqu’à que leur niveau de connaissance sur le sujet soit satisfaisant. Par ailleurs, quatre types de risques peuvent être rapportés aux innovations : 1) le risque physique, 2) le risque économique (rapport qualité/prix), 3) le risque fonctionnel (fiabilité du produit) et 4) le risque social (ostracisme social).

Quant aux barrières psychologiques, deux principaux facteurs sont relatés : 

1. Les traditions et les normes des clients : chaque client est doté d’un système de valeur et la tradition et les normes jouent un rôle dominant dans les habitudes. 

2. L’image du produit : marqueur d’identité, les produits renvoient à des catégories et des industries particulières. Lorsqu’un produit conduit à une association négative, empreint de stéréotype par exemple, alors le client aura une difficulté à adopter l’innovation. 

Comment les acteurs du tourisme peuvent chercher à minimiser la résistance ? 

Premièrement, il peut être envisagé de changer ou simplement de modifier quelques caractéristiques de l’innovation afin de la rendre davantage compatible avec le marché et les besoins clients. 

Deuxièmement, les stratégies de communication et d’information ont un rôle crucial à jouer, notamment pour diminuer les risques associés à l’innovation tels que les préoccupations de la vie privée ou de la sécurité. De ce fait, les déclarations doivent être claires afin de pallier le manque de compréhension lié à la complexité de l’innovation et de ses attributs. Il faut alors être en capacité de délivrer de la connaissance et une expertise connexe au client afin de lui permettre d’adopter une nouvelle idée. De plus, il faut cibler précisément le marché  en se concentrant principalement sur la clientèle qui apprécie les avantages de l’innovation par rapport à ses inconvénients. En effet, comme l’en témoigne la science des réseaux et le principe de « contagion sociale », c’est essentiellement par un processus d’imitation que les individus ont tendance à prendre leurs décisions (Watts, 2003).

Dans ce paradigme, le bouche-à-oreille et le leadership d’opinion de certains acteurs sont d’une importance capitale dans le dessein de tendre vers une acceptation de son innovation, car certains clients ont tendance à reporter leur décision jusqu’à qu’une observation et/ou un commentaire aient été émis par leurs pairs.

Enfin, la communication peut tout à fait inclure l’expérimentation par le biais de démonstrations. La démonstration offre aux clients la possibilité d’expérimenter le produit ou le service afin d’en tirer des enseignements avant l’achat, ce qui influence positivement la diminution des risques perçus. De même, les démonstrations sont réputées pour accroître la probabilité d’achat. Il peut ainsi être intéressant d’intégrer des essais gratuits ou des versions de produits limitées dans le temps. Par ailleurs, les vidéos en ligne de destinations ou d’hébergements représentent en soi une forme de démonstration dans le domaine du tourisme, il ne faut donc pas hésiter à mettre en scène son offre.

Le phénomène de résistance est complexe tant les raisons le justifiant sont multiples et variées. Diverses recherches ont toutefois tisser une base de compréhension de ce phénomène tout en préconisant certaines bonnes pratiques. Il est particulièrement admis dans le secteur du tourisme que le rôle des émotions est prééminent dans l’acceptation de l’innovation. Les nouveaux produits ou services qui fournissent une source de gratifications relatives à l’affect sont globalement perçus comme moins risqués et rencontrent, de ce fait, moins de résistances. Il peut être ainsi intéressant de développer ce volet par le biais d’informations incarnées, claires et accessibles pour le grand public.

Partie 1 : Penser l’acceptabilité sociale pour communiquer efficacement sur son projet d’innovation

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